J.O. 144 du 23 juin 2004
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Avis n° 2004-A-11 du 8 juin 2004 de la Commission des participations et des transferts relatif à l'ouverture minoritaire du capital de la Snecma
NOR : ECOX0407420V
La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettres du 22 mars 2004 et du 3 juin 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission du projet d'ouverture minoritaire du capital de Snecma par introduction en bourse. La Snecma est incluse dans la liste, figurant en annexe de la loi du 19 juillet 1993 susvisée, des entreprises dans lesquelles les participations de l'Etat seront transférées au secteur privé. L'ouverture minoritaire du capital de la Snecma a été autorisée par le décret du 3 juin 2004 susvisé.
Les actions cédées sur le marché font l'objet d'une offre publique à prix ouvert (OPO) en France et d'un placement institutionnel, en France et sur le marché international, garanti par un syndicat bancaire (PGG). Les particuliers souscrivant à l'OPO bénéficieront d'une décote de 10 centimes d'euro par action ainsi que d'une action gratuite pour dix acquises sous condition de conservation pendant dix-huit mois des actions acquises et dans la limite d'un investissement de 4 575 euros. Ils bénéficieront aussi de la gratuité des droits de garde. Les conditions détaillées de la cession sont décrites dans la note d'opération qui a été visée par l'Autorité des marchés financiers le 3 juin 2004.
Les actions cédées par l'Etat représenteront au maximum 35 % du capital de la Snecma qui, avant ces opérations, est réparti comme suit :
Etat français : 97,2 % ;
United Technologies : 1,7 % ;
Autocontrôle : 1,1 %.
Conformément à l'article 11 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, des titres seront par ailleurs proposés aux salariés dans la limite de 10 % des actions cédées. La commission a émis un avis distinct sur cette offre. La Société générale, en vue de couvrir ses engagements résultant de la garantie consentie aux salariés au titre de la formule « levier », cédera, dans le cadre du placement global garanti, un maximum de 2,825 millions d'actions qui lui sont prêtées par la Snecma (actions d'autocontrôle).
II. - La Snecma a été créée en 1945. Elle a développé pour les avions militaires la technologie des moteurs à réaction puis dans les années 1960 a participé à la conception et à la production des réacteurs d'avions supersoniques civils (Concorde). En 1974, la société a conclu un partenariat très important avec General Electric qui a permis aux deux groupes avec le moteur CFM 56 de dominer le marché des moteurs d'avions de plus de 100 places et moins de 45 000 livres de poussée et de développer leur coopération pour les moteurs des gros porteurs. A partir de la fin des années 1960, la Snecma s'est renforcée et diversifiée dans le secteur des équipements en procédant à des acquisitions de sociétés, notamment Hispano-Suiza (1968), Messier (1971), Dowty (1995), Labinal et Hurel-Dubois (2000).
La Snecma est aujourd'hui un groupe intégré qui exerce une activité de motoriste et d'équipementier sur les marchés de l'aéronautique civile et militaire ainsi que de l'industrie spatiale.
Le groupe est organisé en deux grandes branches d'activité complémentaires :
- la branche propulsion, qui a représenté 65 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe en 2003, regroupe les moteurs pour avions civils (53 % du chiffre d'affaires de la branche), pour avions militaires (21 %), pour les missiles et satellites (13 %) et pour les hélicoptères (13 %). La Snecma est leader mondial, avec General Electric, sur les moteurs d'avions monocouloirs de plus de 100 places, est le motoriste des avions Dassault (Mirage et Rafale), le motoriste principal sur Ariane 5 et, via sa filiale Turbomeca, l'un des leaders mondiaux des moteurs d'hélicoptères civils et militaires ;
- la branche équipements, qui représente 35 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe, rassemble principalement la fabrication des roues et freins (Messier-Bugatti), des trains d'atterrissage (Messier-Dowty), des nacelles et inverseurs de poussée (Hurel-Hispano), des systèmes de liaison électrique (Labinal), des systèmes de transmission de puissance (Hispano-Suiza), des connecteurs (Cinch) et des moteurs électriques miniaturisés (Globe Motors).
Chaque branche d'activité gère les services d'après vente qui lui sont associés (maintenance, réparation, pièces de rechange) et qui représentent 35 % du chiffre d'affaires du groupe.
Géographiquement, la Snecma réalise 55 % de son chiffre d'affaires en Europe, 27 % aux Etats-Unis d'Amérique et 7 % en Asie. Environ 70 % du chiffre d'affaires est réalisé à l'exportation.
III. - Durant l'exercice 2003, la Snecma a réalisé un chiffre d'affaires de 6,43 milliards d'euros, en baisse de 1 % par rapport à l'exercice précédent qui était lui-même en retrait de 5,6 % par rapport à l'année 2001. Cette évolution résulte essentiellement du recul des livraisons de moteurs civils à la suite de la crise du transport aérien, recul qui n'a pas entièrement été compensé par la croissance des ventes de moteurs militaires et d'hélicoptères.
Le résultat d'exploitation de 476 millions d'euros a enregistré une hausse de 2 % du fait principalement des performances de la branche équipements (+ 24 %) mais aussi grâce à la maîtrise des charges d'exploitation (- 2,8 %) et à la gestion efficace des couvertures de change. Ce résultat représente une marge d'exploitation de 7,4 % en hausse par rapport à 2002 (7,2 %).
Le résultat net, part du groupe, est en forte augmentation à 182 millions d'euros (+ 72 %) par rapport à l'exercice précédent qui avait été affecté par les dotations aux provisions pour garanties financières constituées en raison des difficultés de certaines compagnies aériennes.
Le bilan consolidé de la Snecma au 31 décembre 2003 fait apparaître des capitaux propres, part du groupe, de 1,18 milliard d'euros. Le montant de l'endettement net s'établit à 251 millions d'euros, soit en diminution de près de moitié par rapport au 31 décembre 2002. Le ratio dette nette/capitaux propres (y compris intérêts minoritaires) s'établit à 20 %, ce qui traduit une situation financière équilibrée.
IV. - L'évolution de l'activité du groupe reflète celle de ses principaux marchés.
L'aéronautique civile, qui est le principal marché du groupe, a connu depuis 2001 une crise sévère qui s'est traduite par une réduction des commandes ou un report des livraisons pour les compagnies aériennes fortement affectées. La Snecma devrait bénéficier de la reprise attendue du secteur. Les résultats de l'activité sont toutefois sensibles aux variations des parités monétaires.
La hausse des budgets de défense dans le monde ouvre quant à elle des perspectives favorables pour les programmes d'avions de combat ou de transport militaire, d'hélicoptères d'attaque et de missiles.
Le secteur spatial apparaît plus incertain et affecté d'une vive concurrence.
La présence de la Snecma sur les différents marchés lui assure des atouts importants. Elle lui permet de bénéficier de synergies en matière de recherche développement et entre les activités civiles et militaires, ainsi que d'une meilleure résistance en cas de crise compte tenu de la décorrélation de ces secteurs. La partie importante du chiffre d'affaires réalisée par les services d'après vente constitue une source récurrente d'activité et de revenus non cycliques, à marge importante, du fait de l'importance du parc installé.
Le groupe Snecma prévoit pour 2004, en l'absence d'événements exceptionnels, la stabilité de son chiffre d'affaires, le maintien de sa marge opérationnelle et une progression du résultat net.
V. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation de la Snecma en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
A cette fin, elle a disposé du rapport des banques conseils de l'Etat et de l'entreprise qui ont retenu en l'espèce deux méthodes d'évaluation:
- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été appliqués aux agrégats correspondants de la Snecma. Les multiples qui ont été jugés significatifs par les banques sont ceux d'excédent brut d'exploitation (EBITDA) et de résultat d'exploitation (EBITA). Rolls-Royce, principal concurrent de la Snecma sur les moteurs, a été considéré comme le meilleur comparable mais l'analyse a été aussi menée en incluant des équipementiers (Goodrich en priorité mais aussi un panel plus large de 4 ou 5 équipementiers). Une des banques conseils a de plus effectué une évaluation prenant en compte les grands constructeurs EADS, Boeing et BAE Systems en tant que représentatifs du secteur aéronautique. Les banques conseils ont exclu General Electric et United Technologies (Pratt & Whitney), en raison de la présence déterminante d'autres activités, ainsi que les sociétés focalisées sur les activités de défense ;
- l'actualisation des flux futurs de trésorerie sur la base d'un plan d'affaires établi par la Snecma jusqu'en 2007 et prolongé par les banques conseils jusqu'en 2010 ou 2011. La valeur terminale a été calculée sur la base d'un flux normatif en fin de période affecté d'un taux de croissance perpétuel de 2 % ou 2,5 %.
Il apparaît que les résultats de ces évaluations sont très sensibles à certains paramètres qui ont été estimés de façon différente par les banques conseils :
- pour les comparaisons boursières : années de référence considérées, retraitements des comptes des sociétés pour intégrer les engagements de retraite hors bilan ;
- pour l'actualisation des flux : l'hypothèse sur l'évolution de la parité entre l'euro et le dollar américain est déterminante sur le calcul. A titre principal, les banques ont retenu l'hypothèse d'un maintien de la parité à des niveaux proches de l'actuel. Par ailleurs, les hypothèses sur la prime de risque intégrée dans le coût du capital (taux d'actualisation) et sur le taux de croissance à l'infini après 2010 ont aussi une influence significative.
Les banques conseils ont écarté les méthodes de l'actualisation des flux de dividendes et de l'actif net réévalué, les jugeant non pertinentes en l'espèce. Une des banques conseils a analysé, à titre indicatif, les multiples résultant de deux transactions récentes (Fiat Avio et MTU).
Les évaluations résultant des différentes méthodes sont suffisamment convergentes pour que les rapports des banques conseils présentent chacun une fourchette d'évaluation globale de la Snecma. Les synthèses présentées par ces banques sont néanmoins significativement différentes entre elles.
Les banques conseils de l'Etat ont présenté le 4 juin une actualisation substantielle de leurs travaux en fonction des derniers développements de l'environnement économique et de la situation des marchés. Les évaluations résultant des différentes méthodes se trouvent impactées négativement. L'actualisation des flux subit l'effet de la remontée du dollar, à la parité duquel par rapport à l'euro elle est très sensible, ainsi que de la hausse des taux d'intérêt qui conduit à l'usage d'un taux d'actualisation plus élevé. La méthode des multiples de sociétés comparables fait aussi apparaître une détérioration qui s'explique par la baisse des cours du secteur du transport aérien, en lien notamment avec le renchérissement du pétrole.
VI. - L'introduction en bourse de la Snecma avait été prévue pour le début de l'automne 2001. Les événements du 11 septembre avaient conduit à l'interruption du processus qui n'avait pu ensuite être repris du fait de la crise sévère connue par le secteur de l'aéronautique civile. Durant ces trois années de crise, la Snecma a montré ses capacités de résistance grâce notamment à une gestion rigoureuse et à un équilibre entre ses métiers.
Aujourd'hui, la Snecma apparaît comme une entreprise séduisante, disposant de nombreux atouts, qu'il s'agisse de sa gamme de produits, de sa diversification, du niveau de sa recherche développement ou de son partenariat avec General Electric. La Snecma a su s'imposer comme participant de tous les grands programmes à venir de l'aéronautique (A 380, A 400 M, B 7E7). A moyen et long terme, elle possède intrinsèquement d'excellentes potentialités de développement.
L'aviation civile, qui représente plus de 70 % du chiffre d'affaires, reste cependant un secteur au caractère cyclique très marqué. Par ailleurs, les marchés sur lesquels opère la Snecma sont très concurrentiels. Certains, parmi les plus importants, peuvent toutefois être sujets à des contraintes réglementaires ou des degrés d'ouverture limités. Enfin, comme les autres entreprises du secteur, les résultats de la Snecma sont très sensibles à l'évolution de la parité entre l'euro et le dollar américain, quelle que soit l'efficacité des couvertures de change mises en place.
S'agissant des marchés financiers, la commission observe que depuis plusieurs semaines ils sont hésitants ou volatils. La baisse des cours dans de nombreux secteurs, et notamment celui du transport aérien, persiste. La fragilité du marché primaire européen a pour sa part été illustrée par les difficultés rencontrées lors de récentes introductions en bourse.
La reprise de la hausse de l'euro par rapport au dollar, l'augmentation du prix du baril de pétrole et la tendance à la remontée des taux d'intérêts sont des facteurs défavorables qui ont pesé pendant la période la plus récente sur l'évaluation de la société, conduisant à retenir une valorisation qui se situe plutôt au bas des fourchettes d'évaluation déterminées sur une base multicritère. L'incertitude prévalant sur les marchés pèse en effet d'une manière générale sur les introductions en bourse, les investisseurs institutionnels subordonnant, dans de telles circonstances, leurs souscriptions à une décote supplémentaire. Enfin, on ne peut méconnaître les conséquences néfastes pour l'entreprise, et donc pour sa valorisation, qu'aurait un nouveau report d'une ouverture de capital annoncée au marché depuis plusieurs mois.
VII. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, des modifications apportées au schéma de placement initial, ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de la Snecma ne saurait être inférieure à 15,35 EUR par action, soit environ 4,1 milliards d'euros pour les 267 267 750 actions composant le capital social hors autocontrôle.